Tout savoir sur les bières de Noël et d'hiver
Qu’elles soient de Noël, d’hiver ou festives, leur arrivée est désormais un rituel obligé des dernières semaines de l’année. Et même si le marketing du monde brassicole a beaucoup joué pour la promotion du style ces dernières années, la bière d’hiver a une histoire riche et ancienne. Attrapez votre ambrée aux épices, les elfes du Petit Ballon vous racontent tout.
Qu’est-ce qu’une bière de Noël ?
Aaah, quelle douce période que la fin d’année. L’odeur des marrons chauds, les décorations qui illuminent les rues et nos cœurs, la foule dans les magasins, Mariah Carey pour la centième fois de la journée… Hum, pardon, on s’égare. Ce qu’on est en revanche ravi de retrouver, ce sont les bières éphémères de la saison. Selon les brasseries, elles peuvent se nommer bières d’hiver ou de Noël, ou leurs équivalents anglophones Christmas ou Winter Ales. Sans compter celles aux noms plus élaborés, car nos brasseries artisanales ont du talent. Il vaut d’ailleurs mieux que l’esprit de Noël se manifeste sur l’étiquette, puisqu’à part ça, il n’y a pas vraiment de règles dictant ce que à quoi doit ressembler ce type de bières.
Si vous avez lu notre article sur les couleurs des bières (si non, allez-y, on vous attend sagement ici), vous savez qu’il existe certaines classifications des bières par styles, selon leurs origines géographiques, les ingrédients qui les composent, et leurs profils organoleptiques. Le BJCP (organisme américain organisant des concours de brassage) a ainsi rangé la “bière saisonnière d’hiver” dans la catégorie “bières aux épices”. Pourtant, et le BJCP lui-même le dit, toutes les bières de Noël ne contiennent pas d’épices ! Compliqué tout ça…
Pour simplifier, disons qu’une bière d’hiver répond à tout ce qu’on peut espérer quand les températures redescendent, que le soleil disparaît et que la fatigue nous guette : de la chaleur grâce à un volume d’alcool plus élevé, un corps rond et enveloppant, et des arômes épicés, sucrés ou agrumés… voire tout ça à la fois. Ces bières sont le plus souvent de couleur ambrée à brune, même si certaines brasseries ont fait le pari de blondes fortes qui se rapprochent un peu des triples belges. La mousse est dense et persistante, blanche à beige selon la couleur du liquide. L’aromatique est maltée, épicée et/ou fruitée selon les ingrédients ajoutés : diverses épices bien sûr (cannelle, muscade, clou de girofle, gingembre…), mais aussi des écorces d’agrumes, des fruits secs, de la mélasse, du miel, ou encore du sirop d’érable. Bref : un concentré de réconfort en bouteille.
L’origine des bières de Noël
Afin de comprendre d’où viennent les bières hivernales, revenons aux bases : la fabrication du précieux liquide. Deux des principaux ingrédients de la bière, les céréales et le houblon, sont récoltés au début de l’automne. Avant la Révolution industrielle des 18è et 19è siècles, la conservation de ces matières premières représente un vrai défi : on ne sait pas encore transformer le houblon en pellets, les chambres froides de stockage n’existent pas… À partir de leur récolte, la qualité des ingrédients se dégrade donc de mois en mois, les nuisibles s’invitent, et la bière qui en découle est de moins en moins qualitative.
Arrive donc l’automne et la nécessité de stocker les ingrédients fraîchement récoltés. On ne va évidemment pas les ajouter aux restes de l’année précédente, qui pourraient les contaminer illico - et puis de toute façon, il n’y a pas la place. Ne reste donc plus qu’à lancer un méga brassin contenant toutes les matières premières surannées à écouler. Or, qui dit beaucoup de céréales dans un même brassin, dit volume d’alcool qui monte en flèche, car celles-ci contiennent les sucres que les levures transformeront en éthanol pendant la fermentation. Reste à régler le problème du goût pas franchement terrible, rapport aux vieux ingrédients utilisés… C’est là que les épices entrent en jeu.
Il faut savoir que pendant longtemps, la “bière” (le mot ne sera inventé qu’au 15è siècle) n’avait vraiment, vraiment pas le même goût qu’aujourd’hui - ni le même aspect d’ailleurs. On parle d’un gruau de céréales non filtré, assez acide car exposé aux diverses bactéries (pas dangereuses, mais tout de même) présentes dans l’environnement de la brasserie, et qui ne se conserve pas bien. Pourquoi on le consomme quand même ? Premièrement, car c’est un vrai repas, facile à préparer et nourrissant - d’où son surnom de “pain liquide”. Deuxièmement, car c’est une source d’hydratation sûre, à une époque où la qualité de l’eau laissait à désirer. Afin de faire passer la pilule, brasseuses et brasseurs avaient alors pris l’habitude d’ajouter un cocktail d’épices à la préparation, dont la recette était propre à chaque brasserie. Dans la bière d’hiver, le cocktail était simplement… plus chargé que le reste du temps. Et c’est ainsi qu’elle est née, la divine bière !
Père Noël, raconte-nous une histoire
On situe la première apparition des bières d’hiver au temps des Celtes (entre 800 et 450 avant Jésus-Christ). Lors du solstice d’hiver, le moment où les jours commençaient à se rallonger, de grandes fêtes étaient organisées. Qui dit fêtes, dit boissons à la hauteur de l’occasion, plus riches et aromatisées. Plus tard, quand le Noël chrétien a remplacé les célébrations païennes, la tradition de la bière brassée pour cette occasion a perduré. D’autant plus que, à brassin spécial, quantités limitées, c’est pourquoi la bière de Noël a longtemps été gardée comme cadeau de fin d’année pour les meilleurs clients des brasseries, ainsi que les habitants des villes où elles se situaient.
C’est d’ailleurs l’origin story d’une bière que vous avez forcément déjà bue, une pils désaltérante phare des bistrots, et que vous ne soupçonnez probablement pas avoir été créée pour Noël. Nous sommes en 1926 à Louvain, en Belgique. Sébastien Artois a racheté la brasserie historique de la ville, Den Hoorn, et lui a donné son nom. Afin de remercier les habitants de la ville, il décide de brasser une bière spéciale pour les fêtes de fin d’année, qu’il nomme “Stella” (“étoile” en latin, comme l’étoile de Noël, tout ça tout ça). Eh oui, la Stella Artois était à l’origine une bière de Noël ! Son succès a été tel qu’elle a ensuite été brassée de façon permanente.
Aujourd’hui, grâce aux innovations technologiques et scientifiques dont on parlait plus tôt, notamment le refroidissement, rien n’empêche une brasserie de brasser une bière de Noël en mars. Les bières d’hiver, comme toutes les bières saisonnières, sont donc surtout des produits marketing. Ce qui ne nous empêchera certainement pas de profiter de leur goût réconfortant, avec modération bien sûr. Passez de belles fêtes !
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Article rédigé par Hélène et les Houblons pour Le Petit Ballon.